Soumis par Pierre Degand le mer, 27/05/2015 - 16:40
Amandine Van Overbeke

Amandine Van Overbeke a réalisé en 2014 un mémoire à L’ULB sur le thème de la préparation à la retraite. Amandine a eu la gentillesse de nous proposer un article dans lequel elle nous livre ses observations et enseignements. 

L’avancée de la médecine accorde, aux êtres humains actuellement en vie, une trentaine d’années en moyenne de plus qu’aux générations précédentes. Ce gain de temps peut être mis à profit pour mieux profiter de la vie après la retraite, la partager avec son entourage, se lancer dans des projets, faire du volontariat ou s’engager dans de nouveaux apprentissages. Cependant, selon une étude entreprise par la Fondation Roi Baudouin (2014), deux tiers des Belges n’ont aucune idée de la manière dont ils utiliseront ces années supplémentaires. La même étude précise pourtant que « ceux qui se sont préparés à leurs vieux jours, avec leurs bons et moins bons côtés, en retirent pourtant davantage de satisfaction et vivent plus longtemps en bonne santé » (Fondation Roi Baudouin, 2014, p. 3).


Avec le papy-boom à nos portes nous pouvons nous poser des questions : comment les futurs retraités envisagent-ils cette transition vers la retraite ? Cette perspective les rend-ils anxieux ? S’y sont-ils préparés ? Enfin, comment ce passage se déroule-t-il pour des personnes dont l’emploi est devenu une composante essentielle de leur identité ou occupe une place majeure dans leur vie ?
En effet, la retraite est un passage qui engendre souvent une rupture avec le mode de vie passé, dans la mesure où celui-ci comportait des contraintes horaires, des rapports hiérarchiques, des échéances, des enjeux économiques, sans oublier tout un contexte de socialisation, de valorisation et d’estime de soi, ainsi qu’une appartenance identitaire.

Le passage à la retraite impose de trouver de nouveaux repères et de repenser son mode de vie, les uns et l’autre permettant d’élaborer ou de fonder une identité partiellement nouvelle. Notons en outre que cela devra s’accomplir dans une société qui bien souvent renvoie aux travailleurs âgés, une image d’incompétence ou de faible utilité. Une récente étude réalisée en Belgique indique qu’à partir de 50 ans, les travailleurs sont statistiquement peu rentables pour leur entreprise. Leur productivité serait en baisse, si bien que l’entreprise aurait peu d’intérêt à garder un employé et à en engager un de la même tranche d’âge (Vandenberghe, Waltenberg, & Rigo, 2013). Or, à titre d’exemple, l’étude du magazine « Femme Majuscule » révèle que plus d’une femme majeure française sur deux a plus de 50 ans. Les femmes de cet âge doivent donc commencer à se préparer à la retraite, c’est-à-dire à la fin de leur activité professionnelle, avec tout ce que cela comporte d’expérience acquise. Et il s’avère que 97% de ces femmes de plus de 45 ans s’estiment plus compétentes qu’à 20 ans (1).   Dès lors se pose la question : comment permettre à ces travailleurs de terminer leur carrière et d’effectuer leur passage à la retraite sans se sentir inutiles à la société et en ayant le sentiment d’avoir eu un parcours professionnel qui fait sens ?


Cette question a fait l’objet d’une recherche approfondie dans le cadre d’un mémoire en faculté de psychologie du travail de l’ULB. L’ensemble de la recherche a révélé que peu des répondants à l’enquête sont préparés à la retraite et les réactions et commentaires de certains participants indiquent qu’ils ne se sentent pas encore concernés par cette échéance. Ces résultats indiquent également un besoin important de préparation chez les répondants, puisque le pourcentage de ceux qui en souhaite une s’élève à 61.5 %. Ce besoin donc présent chez la plupart des répondants suggèrerait que ceux-ci entreprennent des démarches pour se préparer à ce passage difficile. D’autant plus qu’il s’est avéré que 20% d’entre eux présentent un score élevé à l’échelle d’anxiété face à la retraite soit près d’une personne sur cinq. Et pourtant 45.9% d’entres elles n’étaient pas préparées et ne connaissaient pas l’existence de formations et 64.9% n’ont jamais entrepris de démarches personnelles pour se préparer. 43.5% de ces répondants font partie de la tranche d’âge 50-55 ans. Ces indications indiquent donc un problème majeur qui est celui d’une anxiété importante pour une tranche d’âge encore loin de la fin de carrière mais ces chiffres indiquent aussi la présence d’une demande importante de formation et de préparation. De plus, de nombreuses études ont mis en avant l’impact positif d’une préparation à la retraite afin d’effectuer ce passage le plus sereinement possible.


Dès lors, l’intérêt concernant la préparation à la retraite cadre parfaitement dans le contexte de la société actuelle, où le passage à la retraite est parfois vécu difficilement. D’ailleurs, l’analyse de la littérature spécialisée indique que c’est là un changement important, qui peut coïncider avec la perte partielle de l’identité et du sens de la vie, dans la mesure où les travailleurs concernés sont souvent catégorisés comme des « personnes âgées », ayant une compétence amoindrie étant dès lors peu rentables, voire inutiles à l’entreprise.

Ce mémoire aura notamment eu la vertu de convaincre de l’importance qu’il y a d’accompagner et à guider les travailleurs de plus de 50 ans face à la question de leur départ en retraite. Cette recherche insiste sur la nécessité croissante d’améliorer la gestion de carrière des futurs retraités, afin qu’ils soient dûment formés et puissent occuper des postes correspondant à leurs compétences jusqu’à la fin de leur activité professionnelle. C’est ainsi qu’ils pourront non seulement continuer à être rentables pour leur entreprise, mais également vivre au mieux le grand tournant de la vie que constitue la retraite.

Amandine Van Overbeke

Source : Van Overbeke, A. (2014). Contribution à l’étude de la préparation à la retraite: le cas des personnes fortement impliquées dans leur travail. Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master en Sciences psychologiques. Université Libre de Bruxelles.

 

[1] Sondage exclusif Institut CSA / Femme Majuscule réalisé par Internet du 6 au 13 février 2014 sur un échantillon représentatif de 1 013 femmes âgées de 45 ans et plus, constitué d’après la méthode des quotas (âge, catégorie socioprofessionnelle, région et taille d’agglomération).