Soumis par Pierre Degand le ven, 27/08/2021 - 16:50

Dans cet article Andrée et Marie-Claire brossent un aperçu de l'âgisme, de ses conséquences et donnent des pistes de solutions. Nous allons dans le futur vous proposer sur ce blog des articles inspirants sur le vieillissement et l'âgisme.

 

1. Qu’est – ce que l’âgisme ?

L’âgisme est une forme de discrimination basée sur l’âge. Traiter une personne différemment uniquement sur base de son âge est d’ailleurs interdit par la loi. Unia[1] nous rappelle que « Tout le monde a un âge et est, à un moment donné de sa vie, un « junior » ou un « senior » ; n'importe qui peut ainsi être victime d’une discrimination fondée sur l'âge ».  Le vieillissement de la population- l’allongement de la vie- dû notamment aux progrès de la médecine et à une sécurité sociale efficace sont une réalité. Dans ce contexte, une discrimination en raison de l’âge nous concerne tous et représente un vrai défi de société.

L’âgisme peut prendre de nombreuses formes, comme des comportements fondés sur des préjugés inappropriés et souvent négatifs, ou des pratiques politiques et institutionnelles discriminatoires qui tendent à perpétuer les stéréotypes et structurer la société comme si tout le monde était jeune (jeunisme). Cette tendance se vérifie principalement en matière d’offres d’emploi et lors de la conception, la réalisation et la mise en œuvre de services, notamment administratifs, qui devraient être équitablement accessibles à chaque citoyen, quel que soit son âge physiologique. Par exemple, les banques et les services publics pensent-ils suffisamment aux besoins des citoyens en privilégiant massivement les bornes automatiques ? Les responsables des voiries communales pensent-ils aux facilités de déplacements des seniors? Qu’en est-il des personnes cumulant des difficultés liées à l’âge, au handicap, à la santé, à l’origine ethnique, etc… Le monde du travail n’est pas exempt d’attitudes « âgistes . Le concept de vieillissement actif en Belgique est présent dès le début des années 2000 dans les politiques fédérales d’emploi. Pourtant, malgré le déploiement de dispositifs publics de maintien des seniors sur le marché du travail, les formes de discrimination à l’âge demeurent opérantes en entreprises qui ne développent guère de véritables politiques de gestion des âges.[2]

Dans le monde du travail également, malgré l’existence en Belgique d’une politique relative à l’emploi des aînés depuis 2000 (ref 2). Notons, ainsi, combien il est difficile pour un quinquagénaire victime d’un licenciement collectif de se recaser sur le marché de l’emploi. Se borner à ne considérer que l’âge chronologique pour justifier des choix de structuration de la société a donc des impacts importants sur le quotidien et la qualité de vie de la personne discriminée. Lorsque l’âgisme se mélange avec d’autres préjugés ou stéréotypes de type sexisme et/ou racisme, la situation peut devenir particulièrement pénible.

2.  En quoi l’âgisme est-il un problème ?

Dans de nombreuses institutions et secteurs de nos sociétés contemporaines, l’âgisme est un comportement largement répandu et même socialement accepté. Il touche toutes les tranches d’âge et serait même plus répandu que le sexisme ou le racisme, surtout si on le rapporte à l’échelle du monde où la proportion des personnes âgées de plus de 60 ans est en permanente augmentation. A l’instar du racisme et du sexisme, l’âgisme a une finalité sociale et économique qui impacte la société entière ainsi que la vie de chaque individu, même les plus jeunes.  Le danger se trouve dans la légitimation des inégalités entre les groupes d’âge différent, limitant ainsi le nombre de questions qu’on se pose à leurs propos et la manière dont politiquement ou institutionnellement les problèmes qui en découlent devraient être résolus.  Par conséquent l’âgisme est un obstacle majeur à des actions politiques efficaces prenant en compte la diversité des parcours individuel de vie dans une société donnée.

3.    Quelles sont les conséquences de l’âgisme sur la santé ?

L’âgisme a des effets nocifs sur la santé et le bien être des personnes à tous les âges. Lorsque le préjudice est important ou l’injustice violente, elle provoque en général un stress cardiovasculaire accompagné éventuellement d’un sentiment de révolte ouvertement exprimé mais le plus souvent intériorisé. Sur le long terme, c’est surtout un sentiment d’insécurité et de confiance en soi qui s’installe et amène souvent la personne discriminée à se résigner et à réduire son activité sociétale, voir même à s’isoler du monde des actifs. Des études démontrent que dans le cas des personnes âgées, leur espérance de vie peut diminuer de plusieurs années (voire jusqu’à 7,5ans) par rapport à des personnes âgées ayant une perception plus positive de leur vieillissement. La situation est particulièrement préoccupante au sein des établissements de santé comme les maisons de repos où les personnes sont particulièrement vulnérables. Chez ces personnes qui sont le plus souvent coupées des générations des plus jeunes et qui manquent souvent d’activités librement choisies, on constate un affaiblissement important tant sur le plan biologique que cognitif. Cet état de fait, parfois interprété pour de la démence, est confondu à tort avec un vieillissement normal.   

Comme nous l’avons signalé, les enjeux sont à la fois individuels et collectifs. Ainsi, les attitudes négatives à l’égard des personnes nécessitant des soins à long terme peuvent avoir une répercussion sur le nombre de professionnels intéressés à travailler dans les services s’adressant aux aînés. Ce qui pourrait engendrer des difficultés quant au recrutement d’agents de santé ainsi que sur le niveau de rémunération et ce, dans de nombreux pays. Ce fait pourrait refléter l’âgisme de manière plus étendue à savoir la tendance consistant à assimiler les soins prodigués à long terme aux mauvaises conditions de travail ou au faible statut accordé aux personnes prodiguant ces soins. Il y a donc juxtaposition d’effets délétères.  

4.    L’âgisme au quotidien :

 

Dans les sociétés occidentales, la beauté, la force et les performances physiques des personnes jeunes sont généralement prises pour modèles. Robert Butler, l’un des premiers à parler d’âgisme, voulait alerter par rapport à cette discrimination envers les personnes âgées considérées comme plus flétries et moins performantes. L’âgisme s’est donc d’abord construit sur la crainte de perdre ces principaux attributs de la jeunesse. Pour l’exemple, ce sont les personnes vivant en maisons de repos que l’on stigmatise le plus souvent. La grande majorité des autres séniors restés actifs qui pourraient d’ailleurs etre inspirants pour la jeunesse sont généralement invisibilisés, sauf dans de rares cas de penseurs et/ ou d’artistes célèbres.

 

La vieillesse peut faire directement penser à la maladie, à la dépendance, à la perte d’autonomie ou encore à la survenue des maladies dégénératives. Cette image uniquement centrée sur la pathologie et ne prenant pas en compte la diversité des parcours de vieillissement ni les aspects positifs de celui-ci, est souvent présentée dans les médias et a un réel impact négatif dans notre société.

 

A l’instar de certaines formes de racisme, l’âgisme repose donc sur des stéréotypes et des caricatures.

Parmi les stéréotypes et préjugés les plus souvent cités:

-       Les personnes âgées sont un fardeau pour la société ;

-       Elles sont un poids pour l’économie et une charge pour le système de santé ;

-       …

Avec le développement des nouvelles technologies, nous sommes confrontés à l’âgisme numérique ;

-       Les personnes âgées ne sont pas capables d’apprendre ;

-       Elles auraient peu de choses à enseigner aux plus jeunes sur les sujets de communication et médias.

Autres exemples :  les expressions uniquement centrées sur l’apparence physique telles que « tu n’as pas pris une ride ! Elle fait jeune pour son âge ! » tendent à déconsidérer les signes physiques du vieillissement.

Le mépris et l’exclusion liés à l’âge peuvent sévir dans tous les secteurs de la vie au quotidien :

-       Dans le milieu de l’emploi,

-       Lors de l’accès à la formation continue,

-       L’accès à certaines aides. Une personne handicapée de plus de 60 ans disposera de moins d’aides qu’une personne handicapée de moins de 60 ans

-       Au niveau des soins intensifs en cas de saturation des services d’urgence, le temps d’attente serait plus long pour les personnes très âgées

Le vieillissement fait partie de la vie, le mépris de l’âge, l’âgisme poussent certaines personnes à nier leur âge et à cultiver un jeunisme apparent. Ce qui va à l’encontre de l’acceptation de cette nouvelle étape du développement qui risque d’être mise entre parenthèse et uniquement considérée comme phase d’attente vers un déclin inéluctable. Vu l’allongement de la durée de vie actuelle, ce serait se priver de toute une série d’opportunités de découvertes, de développement et d’ouvertures à de nouvelles expériences qui donnent du sens au vécu.

De toute évidence, l’âgisme présente des effets négatifs pour les personnes elles-mêmes et a également des répercussions sur la mise en place de mesures sociétales tenant compte de cette nouvelle réalité démographique.

5. Comment lutter contre l’âgisme ?

L’âgisme concerne tous les âges de la vie. Pour lutter contre l’âgisme, il serait donc souhaitable que toutes les générations aient une meilleure connaissance des différentes facettes du vieillissement. Cette connaissance doit idéalement contrecarrer le culte du jeunisme et les concepts dépassés considérant notamment que les personnes d’un même groupe d’âge ont des comportements identiques, que les plus âgés d’entre eux sont faibles et souvent malades et ne peuvent plus s’adapter aux nouvelles technologies, bref qu’ils sont un fardeau pour la société. Il faut au contraire reconnaître les multiples aspects positifs du vieillissement, contourner les inégalités engendrées par l’âgisme et démontrer une volonté de s’interroger sur la façon dont la société peut bénéficier de cette diversité en favorisant notamment les relations intergénérationnelles.

De manière plus pragmatique, les actions prioritaires à mettre en place en vue d’appuyer les efforts de cette lutte contre l’âgisme doivent notamment inclure :

-       Mener des campagnes de communication afin d’améliorer les connaissances des médias, du grand public, des responsables de l’élaboration des politiques, des employeurs et des prestataires de services et leur compréhension du vieillissement ;

-       Diffuser l’information concernant les lois relatives à la discrimination fondée sur l’âge ;

-       Veiller à ce qu’une vision équilibrée du vieillissement soit présente dans les médias et ce, notamment par la publication de témoignages, la diffusion de données chiffrées ;

-       Démontrer que la grande majorité des seniors restent actifs, voire créatifs, même après leur mise à la retraite et qu’ils restent une catégorie de citoyens utiles à la société ;

-       …

 

Pour débuter ce vaste programme, chaque contribution est utile et nécessaire en termes d’écrits, de réalisations audio-visuelles, théâtrales, picturales ainsi que de témoignages de parcours de vie. Place à la créativité et cultivons ensemble le sens de la vie sous toutes ses formes.

Au cours d’écrits ultérieurs nous aborderons de manière plus détaillée les notions esquissées dans ce document introductif. A très bientôt sur notre blog

 

Affaire à suivre ….donc !

 

Marie – Claire Haelewyck et Andrée Debrulle

[1] Unia est une institution publique indépendante qui lutte contre la discrimination et défend l’égalité des chances en Belgique.

[1] Le vieillissement actif en entreprises: stigmatisations et carences. Regards croisés à partir de la situation belge. N Burnay - Revue suisse de sociologie, 2015  

 

 

 

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